Mise en chantier de ‘L’Arche’ d’André Arnyvelde

Le chantier du Novelliste #01 bel et bien achevé s’ouvrent déjà ceux qui devront trouver leur achèvement dans le premier semestre de l’année prochaine. Parmi ceux-là, il en est un qui me tient particulièrement à cœur : la réédition de ‘L’Arche’, le grand-œuvre lyrique et jubilatoire d’André Arnyvelde, écrit dans les tranchées de 14, paru en 1920, et qui fut cette année-là parmi les finalistes du Goncourt. Cela commence comme un chant d’amour à une femme, Henriette Sauret, compagne des jours de paix, et cela se poursuit, sous la conduite de la figure fantasmée de l’Arcandre, comme une déclaration d’amour à l’univers, à la vie, à la joie, au bonheur d’exister. Pour résister à la géhenne guerrière et croire encore qu’il y aurait un lendemain, à un homme, à un écrivain tel que celui-ci il fallait bien cela. Toutes proportions gardées et sachant que tout oppose ces deux auteurs, ‘L’Arche’ est à Arnyvelde ce que ‘Les poulpes’ sera, au conflit suivant, à Raymond Guérin.

 

En attendant avril 2018 et la sortie, donc, de cette nouvelle édition (la troisième, après l’originale en 1920  à la Société mutuelle d’édition, puis la première réédition par Pierre Versins au club Futopia en 1961) commencent les travaux préparatoires lancés par la découverte fortuite, le week-end dernier, de l’image qui illustrera la couverture. Il y a dans cet Albion rose de William Blake, mieux qu’un simple écho thématique, l’essence même de ce qui fait la grandeur et l’intérêt aujourd’hui encore du roman d’Arnyvelde : le surgissement irrépressible d’une force vitale triomphante. Les travaux plus ingrats de la récupération du texte original par reconnaissance optique de caractères, par la magie du verbe arnyveldien, se révèlent eux aussi un plaisir. L’ours danse et n’a jamais si bien dansé à la musique qui se dégage de ces lignes extraites d’un vieux bouquin jauni. Je ne résiste pas au plaisir de vous en faire partager la mélodie.

« Mais ta confiance qui toujours m’accompagne se retient, elle s’inquiète. Ah ! je t’entends. Illusion qui ravisse, ou conviction même, quel charme pourra remplacer jamais les inépuisables délices de la présence véritable ! Cette tristesse que je dois vaincre, ne sais-je pas assez qu’elle n’est que de notre séparation ! Lorsque nous sommes ensemble, quelle adversité craignons-nous ! Quelles qu’elles fussent, les épreuves qui nous vinrent naguère étaient des délices encore. Chacune d’elles apportait à l’un de nous deux le prétexte d’aller chercher aux regards de l’autre le courage, la sécurité ou l’assurance de la victoire… Va, rassérène ta confiance. Suis-moi. Quels que soient le désordre apparent, la discontinuité de ce travail, c’est la certitude de notre liberté, te dis-je, c’est notre bonheur inviolé qui doivent y ressusciter. Mon amie bien-aimée, suis-moi. Où que j’aille, quels que soient les détours où nous entraîneront les péripéties de la guerre, les rafales de ma mémoire, l’enchaînement de mes pensées, c’est vers toi sans nulle relâche que vont monter toutes mes effusions… Ah malgré le temps, la distance et les circonstances, se peut-il que la ferveur et la force avec lesquels je te sens auprès de moi ne te communiquent à toi aussi l’impression vive de ma présence ? Pour moi dont les détresses n’auront d’autre refuge, les orgueils d’autre trône, que ce message, je dis, je sais, que ma volonté et ma passion attirent et fixent ici, réels, venus à moi de ta substance lointaine, tes yeux, ton âme et ta passion. »

Illustration : William Blake, Albion rose – A large book of designs, 1795. Doc. Wikipedia.

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