Chez Flatland éditeur, une nouvelle collection de novellas francophones baptisée ‘La Tangente’ accueille le premier texte publié d’un auteur que j’ai souhaité mieux faire connaître à son futur lectorat en lui posant quelques questions. ‘Monstrueuse féerie’ sera suivi, en avril de l'année prochaine, de ‘L'angelus des ogres’, avant un troisième volet annoncé de cette plongée progressive dans les parages de... de quoi en fait ? C’est ce que je vous invite à découvrir ci-dessous.
Laurent Pépin, Monstrueuse féerie est votre premier texte publié. Comment vous présenteriez-vous à celles et ceux qui aimeraient vous lire, et qu’est-ce qui vous a mené à l’écriture ? En fait, j’ai écrit des histoires à partir de l’âge de huit ou neuf ans. Ma mère avait rêvé de devenir écrivain elle-même mais n’avait jamais […]
À la demande générale, je ne résiste pas au plaisir d’extirper cet autre poème du jeune Jules Lermina (1839-1915) des entrailles de Gallica où il croupissait. Moins intimiste que le précédent, plus lyrique (et même, à la limite, métaphysique – quelle horreur !), il révèle en alexandrins une autre facette de ce sacré bonhomme que vous n’avez pas fini (autant vous prévenir) de croiser dans les parages.
Lorsque dans l’infini, Dieu, qui songeait, voulut Créer un monde, où comme en un livre se lut Sa grandeur, il leva la main et la Genèse Bouillonna, comme sort l’airain de la fournaise. Mais, devant l’œuvre immense arrêtant son effort Un instant, Dieu rêva : par quel levier le maître, Animant le néant, allait-il créer […]
Comme nombre d’écrivains de son temps, Jules Lermina (1839-1915) fut poète avant de devenir novelliste et romancier. Ce poème extirpé des entrailles de Gallica, publié alors qu’il avait 23 ans, en est un témoignage touchant et qui reste fort lisible aujourd’hui. La désillusion dont il témoigne est étonnante, de la part d’un homme fortement engagé politiquement, un syndicaliste actif notamment pour faire respecter le droit des auteurs, et qui resta toute sa vie un militant qui n’avait pas renoncé à changer le monde.
J’avais une gentille cage Que je voudrais avoir encor, Où babillaient d’un doux ramage Des colibris à plume d’or. Ils disaient de si belles choses, Que, rêveur, le front dans la main, Les bras croisés, paupières closes, Je m’enivrais du lendemain. Ils chantaient l’amour de la femme, L’amitié, l’espoir, le désir ! Ils disaient que […]
Lire un roman de Griffith est toujours (en ce qui me concerne) une aventure presque aussi épique que celles narrées par cet auteur hors norme dans des pages que l’on ne peut s’empêcher d’avaler gloutonnement. Cela ne signifie pas pour autant que leur lecture soit de tout repos ou globalement satisfaisante. Si la plupart du temps on se laisse emporter par l’habileté de la narration et le « sense of wonder », il n’est pas rare qu’on se dise aussi au détour d’un rebondissement ou d’une révélation : « Non ! Il ne va pas tout de même pas oser ? Pas lui ! Pas ça ! » Eh bien si, il ose, Georgie, c’est même ce qui le caractérise le mieux : sa prose n’obéit qu’à ses propres lois et ses personnages souvent archétypaux, hommes ou femmes, sont taillés dans l’étoffe dont on fait les héros et les saintes. Tout est chez lui « bigger than life » et ce roman d’aventures au pays des Incas n’échappe pas à la règle, avec quelques particularités qui le distinguent de l’habituelle histoire de momie à bandelettes et permettent de le ranger plutôt sur l’étagère « lost race ».
L’étude de Sam Moskowitz intitulée The warrior of if (parue en préface du recueil The raid of ‘Le Vengeur’, chez Ferret Fantasy Ltd en 1974) reste à ma connaissance une somme inégalée sur la vie et l’œuvre de George Griffith. On y apprend toujours de très intéressants détails, et à propos de Golden star, […]
En cherchant hier des fins du monde d’autrefois pour un prochain numéro du Novelliste, je suis tombé par hasard sur un poète anglais qui mourut prématurément en 1915, trentenaire, comme ce fut le cas à cette époque pour tant d’autres. James Elroy Flecker (1884-1915) n’eut pas le temps, dit-on, de donner la pleine mesure de son talent et aurait pu égaler Keats s’il n’en avait été empêché. Ce genre de pronostic à rebours est toujours hasardeux mais une chose est sûre, le poème qui sert aujourd’hui d’étendard à ce poète oublié est de toute beauté. Certes, l’émotion qui s’en dégage dira quelque chose aux amateurs de Villon et de sa ‘Ballade des pendus’, mais qu’importe puisqu’il faut plus d’une voix, et dans toutes les langues, pour chanter l’homme et le monde. Sans me risquer à davantage de glose inutile, je vous laisse donc le découvrir ci-dessous.
I who am dead a thousand years, And wrote this sweet archaic song, Send you my words for messengers The way I shall not pass along. I care not if you bridge the seas, Or ride secure the cruel sky, Or build consummate palaces Of metal or of masonry. But have you wine and […]
Étrange et fort beau petit opus, par la forme comme sur le fond, que se réjouira de lire tout amateur de littérature de traverse et que s’honorera de posséder toute bibliothèque explorant les sentiers non battus. L’ours danseur, qui a beaucoup aimé, n'hésite pas à vous le recommander chaudement. Le tirage étant limité à quarante exemplaires, il ne saurait être question de tergiverser…
Il existe une cité à laquelle on n’accède que par le chemin des songes. C’est elle, la belle et effrayante Titanide, qu’en ces pages rares mais denses l’auteur nous invite à explorer. Aux touches littéraires réduites à l’essentiel mais qui toujours font mouche – en espéranto comme dans la langue de Molière – répondent […]
Le valeureux éditeur de fascicules comme autrefois (mais écrits et édités aujourd’hui) se lance un nouveau défi avec la création d’une collection de petits formats peu onéreux et vite lus, à l’image de ceux que publiait par exemple Ferenczi au siècle dernier, dans lesquels se concentrait l’essence du pulp à la française. « Aventures » (c’est son nom, qui a le mérite d’annoncer la couleur) comporte déjà quatre titres, et parmi ceux-ci, c’est le deuxième dont j’aimerais vous recommander la lecture.
Le principe est simple : « Robert Darvel rêve un titre, puis Fred Grivaud conçoit une illustration. Ensuite, un auteur s’amuse de cette double contrainte et le diable seul sait quel récit vous allez découvrir… » Précisons d’abord que l’auteur n’est nullement crédité en couverture ni en page de titre. Il faut attendre la toute fin, après avoir […]
Je continue de me régaler, en levant le pied pour faire durer le plaisir, des derniers feux des ‘Communions’ de Georges Eekhoud. La page d’aujourd’hui est tirée de la nouvelle ‘Appol et Brouscard’, qui narre les folles amours de deux jeunes malfrats, ces ‘voyous de velours’ chers à l’auteur, aussi différents l’un de l’autre que la nuit et le jour. La scène se passe dans la ‘colonie pénitentiaire’ de Merksplas, dans la Campine anversoise qui est à Eekhoud ce que la Provence est à Giono ‒ camp de redressement qui deviendra en 1936 une antichambre des camps de la mort pour les réfugiés juifs.
Et une fois de plus, le lecteur ébahi tombe en arrêt et se demande : « comment fait-il ça ? » Je conçois bien, messieurs, mesdames, ce que peut avoir d’agaçant cet enthousiasme de gamin follet qui importune les passants sur la plage pour leur montrer les fascinants coquillages qu’il a trouvés. Pardonnez-moi, mais ceux-là sont vraiment beaux […]
Je poursuis mon exploration des formes courtes du polygraphe belge d’expression française Georges Eekhoud (1854-1927). Après avoir dévoré toutes les kermesses (‘Kermesses’, ‘Nouvelles Kermesses’, ‘Dernières kermesses’), les textes éparpillés publiés de manière posthume (‘Proses plastiques’) ainsi qu’un autre, de jeunesse, singulier et fantastique (‘La danse macabre du pont de Lucerne’), après m’être délecté des délices fin de siècle et décadentes (‘Proses patibulaires’), me voici plongé dans le dernier volume qu’il me reste à découvrir (‘Mes communions’, le préféré, à juste titre, de Mirande Lucien, spécialiste et biographe de l’auteur) et dont la fin s’annonce bien trop proche à mon goût.
Et là, cette nuit, entre deux nouvelles traitant de l’enfance malmenée sous des dehors bien différents (Le coq rouge et Des Angliers), voilà que les états d’âme d’une comtesse amoureuse font mes délices (La tentation de Minerve)… Elle est, la page qui suit, de celles devant lesquelles on tombe en arrêt, que l’on relit, […]
Je ne résiste pas à l’envie de traduire sur le pouce cet extrait d’une récente lecture nocturne, dans lequel une graphomane impénitente et artiste hors pair s’insurge contre les tenants de la lecture utilitariste, illustrant ce faisant avec brio ce qui fonde la passion des lecteurs de romans que nous sommes.
On rapporte que lors de la cérémonie d’inauguration de la bibliothèque publique de Lambeth, à Londres, Sir John Lubbock [1834-1913, archéologue et naturaliste britannique influent] a fait à propos de la fiction romanesque les quelques remarques suivantes : « Sir J. Lubbock, en remerciant le prince de Galles et la princesse Louise, fit remarquer que les […]