Comment te présenterais-tu, en tant qu’écrivain, à un lecteur qui ne te connaîtrait pas et n’aurait jamais rien lu de toi ?
Comme je suis poli, je commencerai par dire « bonjour » ! En résumé : J’ai 42 ans, et j’écris depuis que j’ai 10 ans, à peu près. J’étais un enfant perturbé et insomniaque, et l’écriture était une des seules choses qui calmait mes angoisses. C’est toujours vrai, et c’est sans doute pour ça que j’écris toujours. J’aime déstabiliser le lecteur, et je ne cherche pas à l’épargner.
Du coup, ce que les lecteurs disent de mes écrits, c’est qu’ils sont sombres, violents, très visuels, et lyriques. Je suis un touche-à-tout et je déteste les tiroirs et les cases. Mes textes sont ainsi souvent à la frontière de différents genres. J’ai commencé avec l’horreur, voire le gore, j’ai écrit du policier, du roman noir, de la SF, du fantastique, et même ce qu’on appelle de la littérature générale… J’aime me considérer comme inclassable. Ce qui me rend peut-être difficile à suivre !
Pourquoi ce format de la novella (ou roman court) pour Brutal Deluxe, toi qui t’es déjà illustré dans le registre majoritairement pratiqué du roman ?
J’ai écrit aussi un certain nombre de nouvelles ! Je dois en avoir écrit une quarantaine en six ans (elles ne sont pas toutes publiées, et tant mieux car certaines, bon, voilà quoi). En général, ces nouvelles étaient des réponses à des appels à texte, pour lesquelles je m’étais efforcé de respecter les consignes imposées, notamment sur le nombre de mots. Mais pour Brutal Deluxe, c’était un peu différent. À la base, j’avais écrit un texte court, mais je trouvais qu’il était incomplet et qu’il méritait d’être développé. Je l’ai donc repris et je ne me suis pas fixé de limite de mots. La nouvelle a ainsi enflé jusqu’à devenir un roman court. J’aurais sans doute pu en faire un roman plus long, mais j’ai écouté mon feeling. Le texte aurait perdu de sa puissance en étant trop dilué. Je voulais qu’il reste brutal (tout en étant de luxe… oui, désolé)
Plutôt noir (et même sans aucune trace d’espoir) l’avenir décrit dans ce texte coup de poing. Prédiction ou conjuration ?
Depuis que je suis enfant, je ressens une véritable angoisse eschatologique (j’adore ce mot, je suis désolé), dont je n’explique pas l’origine. Mes projections d’enfant, que je retrouvais dans les classiques de la SF que je dévorais, comme Le meilleur des mondes, Fahrenheit 451, Le passeur ou Ravage, sont en train de devenir réalité. Nous vivons dans une dystopie. Ça ne me réjouit absolument pas, soyons clairs ! J’aime le cyberpunk dans les fictions ou les jeux vidéo, mais y vivre, euh, non merci Mes textes sont des catharsis de cette angoisse.
Le fait est que je n’ai pas beaucoup d’espoir. Ou comme le dirait un célèbre magicien des Terres du milieu : « Just a foolish hope. »
D’un autre côté, je me dis qu’on a dépassé le point de non-retour et que l’être humain est capable de miracles, une fois dos au mur.
L’avenir n’est pas écrit, personne ne peut deviner ce qui va arriver. J’ai tout de même le sentiment de vivre une époque historique, et que nous sommes à l’aube d’un changement radical. Souvent dans l’histoire de l’humanité ou même de notre planète, ces grands changements se sont fait dans la violence, alors, à vrai dire, ça m’inquiète.
Brutal Deluxe le prouve, tu fais partie de cette génération d’écrivains qui ont biberonné aux jeux de rôles et aux jeux vidéo autant (voire plus) qu’au livre papier. Penses-tu que cela ait eu une quelconque influence sur tes inspirations, ton style, ton univers littéraire ?
Totalement ! Je fais partie de ces geeks qui sont la cible des agences de marketing… Cobra Kai, Stranger things, les financements participatifs pour les rééditions du jeu de rôle l’Appel de Cthulhu, tu vois le genre ? J’ai une cible dans le dos !
J’étais un gros lecteur des livres dont vous êtes le héros. Tu ne seras pas surpris si je te dis que j’ai récemment créé ma première fiction interactive. (space cable wires for bad robots, jouable gratuitement sur mon site internet) Je me suis servi d’un logiciel qui s’appelle Ink, et qui a été utilisé pour certains jeux vidéo qui ont cartonné (80 days et Sorcery !, par exemple). J’ai fait un truc assez basique, mais j’ai adoré l’écrire et j’aimerais pousser l’expérience beaucoup plus loin, en ajoutant des graphismes par-dessus, par exemple.
Dans mes nouvelles, j’aime déconstruire mes intrigues en chamboulant l’ordre des chapitres. J’essaie parfois de bousculer les codes narratifs, j’expose différents points de vue, comme ça a pu être fait dans Rashomon.
Ça faisait un moment que je voulais explorer l’univers du jeu vidéo Speedball 2, qui a inspiré Brutal Deluxe. C’est un jeu de sport, mais qui trace en filigrane tout un univers. Dans le jeu, cet univers cyberpunk est juste esquissé, mais il me fascinait quand j’y jouais. Il y avait matière à écrire quelque chose d’intéressant. Je suis très content d’avoir pu bâtir un pont entre mes deux passions.
Quels sont tes publications récentes et quelles seront les prochaines ?
Mon premier roman jeunesse a été publié au Canada en avril dernier : Daisy et gaspard au royaume de Nayfan (L’interligne). J’ai publié en auto édition un recueil de récits infirmiers : Les chroniques de la réa, qui a une signification très particulière pour moi. Mon roman Répliques est paru aux éditions Critic il y a bientôt deux ans, la suite est dans les tuyaux et devrait sortir un jour. Et il paraît que je collaborerai peut-être une nouvelle fois avec les éditions Flatland. (chut !) Mais ensuite, il sera peut-être temps de réduire la cadence. Je pense qu’en réalité, j’écris beaucoup trop.
Un projet cher à ton cœur, un peu fou et irréalisable, que tu aimerais voir se concrétiser un jour ?
J’ai toujours le rêve de voir un de mes livres adapté au cinéma. Ce serait génial (et puis c’est beau de rêver) !
Je t’ai aussi parlé de mon amour pour les jeux vidéo. J’aimerais beaucoup travailler comme scénariste pour un studio. J’ai eu l’idée d’un jeu qui mettrait en scène un guitariste de hard rock qui la nuit, combattrait des démons. Je l’ai dans la tête et ce truc me paraît démentiel.
Le mot de la fin ?
Que la fin n’arrive pas trop tôt.
septembre 2021
Collection : LA TANGENTE
ISBN : 978-2-490426-20-1
Format 10 x 20 cm à la française (vertical)
70 pages en N&B + couverture couleurs avec rabats,
impression numérique professionnelle
Roman court (science-fiction) d’Emmanuel Delporte
Illustration de couverture : Thony Bourdeil
Design graphique : Roland Vilére
Vous êtes journaliste, chroniqueur, blogueur, chercheur, nous pouvons vous faire parvenir un service de presse numérique (PDF) sur simple demande par mail (novelliste —AT— redux.online).
On commande chez tous les libraires, sur le site de Flatland éditeur, sur celui des Moutons électriques
et sur les principales plateformes commerciales de vente en ligne.
Illustrations : Scan de la couverture à plat, Autoportrait d’Emmanuel Delporte, Le livre dans la main de son illustrateur (photo Thony Bourdeil).