‘Tard, pour finir’, le premier livret offert par l’ours danseur

Avec l’arrivée du printemps, l’ours danseur émerge de son antre et se met gaillardement à la nano-édition, avec ce premier livret offert à qui pourrait s’y intéresser, qui rassemble l’essentiel des poèmes et proses poétiques de Lionel Évrard. L’objet ‒ sobriété éditoriale oblige ‒ se présente sous la forme d’un livret au format A5, comprenant 36 pages + 4 pages de couverture. On peut se le procurer en communiquant son adresse postale à l’ours, et en guettant quelques jours plus tard sa boîte aux lettres.

 

C’est aux alentours de la vingtaine que s’est imposée à moi la tentation poétique. Je m’efforçais alors tant bien que mal d’apprivoiser les codes de la fiction romanesque, mais il m’a pourtant fallu toutes affaires cessantes, en parfait Candide, m’aventurer sur cette terra incognita. Les textes nés de ces explorations ont paru ici ou là – et plus particulièrement dans Lard-Frit, la créature fandomique lilliputienne née de l’esprit foutraque de Jean-Louis Lebreton. Certains, les ayant lus, leur ont trouvé quelque intérêt. Il en est même qui se sont fendus de quelques mots laudateurs. Il ne m’en a pas fallu davantage pour me lancer dans la publication à compte d’auteur d’un petit recueil de ce que j’appelais alors mes « bonsaïs littéraires ». Sous la forme d’un livre-objet conçu par Frédéric Serva et illustré par Hervé Thibon, la chose, intitulée La vitre brisée, a vu le jour en 1984. Du tirage initial de 300 exemplaires, il a dû se vendre un peu plus de la moitié, sans autre moyen que le système D (ni internet ni Facebook en ce temps-là) et sans autre soutien que le bouche à oreille et quelques échos chaleureux (merci Joëlle Wintrebert et quelques autres). C’était une autre époque… Une partie du stock restant a ensuite été confiée à Alain Garguir, qui l’a écoulée au fil des ans par le biais de Flatland, l’association qu’il avait créée. Le reste s’est égaré au fil de mes déménagements et pérégrinations. Il doit m’en rester au fond d’une valise au grenier une dizaine d’exemplaires non montés, dont il faudra bien un jour que je me décide à faire quelque chose.

L’expérience m’eût-elle découragé, je ne serais pas en train d’écrire ces lignes pour tenter de vous présenter ce recueil de poèmes et proses poétiques qui rassemble ce que j’ai pu écrire de moins pire en la matière et constitue le premier livret offert par l’ours danseur à celles et ceux qui pourraient y trouver quelque intérêt. À peine une cinquantaine de textes en trente-cinq années de pratique ! C’est vous dire si je fus scrupuleux – ou paresseux, chacun se prononcera à sa guise. C’est l’insatisfaction qui m’a empêché de tout laisser tomber et de laisser s’égarer ces diverses tentatives dans le grand dispersement que devient immanquablement toute vie. Les douze textes initialement réunis dans La vitre brisée (tous sont repris ici, sauf le premier, qui n’avait d’utilité que pour justifier le titre) ne m’ont pas laissé en paix avant que j’arrive, au fil du temps, à leur donner une forme définitive. Certains sont restés les morceaux de prose poétique qu’ils étaient dès l’origine et destinés à rester. D’autres ont réussi la transmigration vers l’état d’équilibre fragile du poème, de même parce qu’ils étaient voués dès l’abord à en être, sans que j’aie trouvé à l’époque le culot ou l’inspiration nécessaire pour cela. Au fil du temps, de petits nouveaux sont apparus, plus ou moins longs, plus ou moins réussis, plus au moins retravaillés, et le vers libre est devenu mon moyen d’expression exclusif, par nécessité plus que par choix. Je n’ai jamais cherché à exercer ma « plume poétique ».

Ces textes sont pour la plupart le fruit de moment intenses, de parenthèses à l’écart du monde, où l’on se sent porté par la plume plus que porteur de plume, et au cours desquels on ne lâche rien tant que l’on n’est pas parvenu à l’état désiré, à chaque mot, chaque silence, chaque virgule et chaque respiration près.

C’est cela qu’est devenu pour moi la tentation poétique : une obligation plus qu’un choix, une expérience plus qu’un exercice. Est-ce cela, être poète ? Je n’en sais rien, mais je ne me sens pas poète, moi qui ose à peine qualifier de « poèmes » ces textes que je ne peux m’empêcher de produire par intervalles. Elluard est poète, Whitman, est poète. Me dire poète comme ceux-là l’ont été reviendrait un peu à me prétendre prophète… Soyons sérieux. Disons que je suis l’éternel aspirant écrivain qui aurait choisi l’option « poésie langue étrangère » et qui viendrait, un peu anxieux, au terme de son cursus, vous présenter ses travaux d’étude.

J’ignore bien évidemment ce qu’il faut penser de ces 36 pages enfin éditées. Est-ce intéressant, inégal, pathétique ? Je serais bien en peine de le dire. À vous de vous faire une idée par vous-même. Si j’en crois les rares éditeurs à qui j’ai soumis ces textes, ils ne nécessitaient guère d’être édités professionnellement, ni-même semi-professionnellement. La nano-édition personnelle restera donc leur moyen de diffusion. J’ai découvert récemment qu’il me fallait cesser de les garder pour moi dans l’espoir vain de les comprendre un peu mieux, voire de les « améliorer ». Chacun d’eux a atteint un état d’équilibre que j’estime définitif. Deux choix s’offraient dès lors : les garder dans ce qui me tient lieu d’archives, au risque toujours présent (et peut-être secrètement recherché) qu’ils se perdent à l’occasion d’un compulsif rangement par le vide ou d’un crash de disque dur, ou les rendre publics une bonne fois pour toutes et les laisser vivre leur vie. C’est cette seconde option que j’ai choisie, car il m’a semblé impossible de sacrifier par négligence coupable ces petits bouts de moi, qui ne le sont plus tout à fait pourtant, dont il semble si douloureux de se séparer, mais qu’il paraît tellement indigne de garder sous le coude. Je n’en dis pas plus. Me voilà emphatique.

Un dernier mot (enfin, un peu plus, vous me connaissez), car il me reste à vous prévenir : « poésie » n’est pas ici synonyme de douces roucoulades, d’envolées lyriques et de sentiments élevés. Autant que vous le sachiez avant de vous aventurer entre ces pages : l’ambiance n’est pas à la rigolade, et si ces textes s’affichent en noir sur blanc, le noir sur noir leur aurait sans doute mieux convenu – la tentation fut grande, d’ailleurs, de vous les livrer ainsi (cela aurait flatté mes tentations « arty », mais cela aurait également mis en lumière mon côté poseur, j’ai donc renoncé).

Il arrive parfois, à me relire, que je doute de la santé mentale du type qui a écrit tout cela. Je me rassure en me disant que ce n’est pas tout à fait moi. On peut finasser, non ? Pour ce qui est de la forme de ce livret, sachez que tout a été mûrement pensé, calculé, pesé au petit poil pour rendre cette publication aussi sobre que possible, sur le plan esthétique mais aussi écologique. Dans ce but, je suis passé de 48 à 36 pages intérieures, et d’un papier de 80 g/m2 à un papier de 60 g/m2 afin de ne pas dépasser la tranche fatidique des 50 grammes à l’expédition. Soit dit en passant, la sixième extinction de masse en cours et la catastrophe climatique annoncée devraient nous inciter, nous autres auteurs et éditeurs, à nous interroger sur nos pratiques et sur l’impact de nos productions sur l’empreinte environnementale. Pas sûr que les sagas en 8 tomes de 600 pages en grand format relié, les tables de libraires croulant sous les nouveautés évacués à peine apparues et le pilon tournant H24 constituent un modèle très soutenable ‒ sur le plan économique autant qu’écologique, d’ailleurs. De ce point de vue, mon œuvrette de 36 pages résumant 35 années de pratique plus ou moins poétique constitue véritablement un modèle de sobriété éditoriale heureuse ! À défaut d’autre chose, c’est toujours ça de pris…

Tout ce qui précède ne vous a pas découragé de vouloir vous procurer ce premier livret offert par l’ours danseur ? Rien de plus simple : en commentaire sur cette page, par mail ou par message de contact, il vous suffit de donner votre nom et votre adresse postale. La chose vous sera livrée directement dans votre boîte aux lettres dans des délais aussi brefs que possible.

Illustration : Henri (le Douanier) Rousseau (1844-1910), La muse inspirant le poète (1909), document Wikipédia.

2 commentaires sur “‘Tard, pour finir’, le premier livret offert par l’ours danseur

    1. Bonjour Régis. C’est noté, ce sera l’exemplaire n°18, bleu.
      Je me suis permis d’effacer l’adresse après l’avoir notée, on n’est jamais assez parano… 😉

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