Pourquoi les Anglais tiennent-ils tant à Gibraltar ?

Farouchement accrochés au Rocher de Gibraltar depuis que le traité d’Utrecht leur en donna la pleine et entière possession en 1713, les Anglais ne semblent pas plus disposés à se passer de leur enclave en mer Méditerranée après le Brexit qui les fera sortir de l’Union européenne qu’ils ne l’étaient avant. Un article de Georges-Gustave Toudouze (1877-1972), datant de 1923 et tiré des pages jaunies de ‘Je sais tout’, pourrait expliquer cet attachement…

 

Un récent article de Courrier International l’affirme : le Brexit est susceptible de relancer les tensions séculaires entre Espagnols et Anglais autour de la possession de Gibraltar. Il se trouve que je suis récemment tombé, dans les pages toujours fascinantes d’une vieille reliure de Je sais tout, sur un article illustré, bien moins récent mais tout aussi bien informé, qui éclaire d’un jour inédit ce qui pourrait justifier (outre les banales raisons communément admises et peu susceptibles de tromper notre sagacité savanturière) la valeur de ce bout de rocher aux yeux de la perfide Albion… Mais laissons G.G. Toudouze faire toute la lumière sur ce qui n’est peut-être plus, et depuis longtemps déjà, un improbable projet ! (L.D.)

Le projet d’aménagement intérieur du rocher de Gibraltar et son utilisation

Très impressionnée par le développement des moyens de transport aérien, l’Angleterre a décidé d’accomplir un immense effort dans le domaine aéronautique. Elle entend doubler toutes ses lignes de navigation maritime par des lignes de navigation aérienne. Ces lignes seront desservies par des dirigeables rigides et par des hydravions.

Le commander Burney a soumis au gouvernement britannique le plan général que voici : des dirigeables rigides, cubant 140 000 mètres et capables de franchir 70 milles à l’heure, assureraient la liaison permanente entre l’Angleterre et chacun des Dominions. Marchant à la vitesse réduite de 40 milles à l’heure, ces dirigeables mettraient trois jours et demi pour aller de Londres à Bombay ; de là, en quatre jours, survolant l’Océanie, ils gagneraient Sidney d’Australie, puis Auckland en Nouvelle-Zélande. Ce service pourrait commencer dès maintenant, car le commander Burney a demandé la remise entre ses mains des quatre rigides de la marine anglaise actuellement prêts. En échange, il prend l’engagement de fournir à l’Amirauté tous les dirigeables de sa compagnie au jour d’une mobilisation. Le voyage aérien Londres-Bombay coûterait 70 livres sterling par personne.

Le projet de ce service aérien commercial a séduit l’Amirauté et l’opinion britannique. En totalité, il embrasse toute la surface du globe et la couvre d’un réseau aérien commercial, mais qui peut être militaire du jour au lendemain.

Aussi l’Amirauté a-t-elle immédiatement envisagé l’établissement de ce réseau d’une manière pratique. Et elle étudie en ce moment la transformation du Rocher historique de Gibraltar en une gare centrale de l’aviation anglaise. Pour cela, le roc qui commande à la fois l’Atlantique et la Méditerranée serait transformé en une ruche immense, creusée de galeries innombrables, dans lesquelles à chaque étage se trouverait un service : dirigeables sous coupoles mobiles à éclipses, T.S.F., batteries, casernes d’hydravions et d’avions, soutes à munitions, à vivres, à eau, à essence, ateliers de réparation, ateliers de réparation et port sous-marin. Rien de plus original que cette conception qui transformerait la vieille forteresse en un centre unique au monde.

De ce centre partiraient vers Malte, Chypre, l’Égypte, les lignes sur l’Inde et l’Australie ; vers l’Amérique les lignes sur le Canada, la Jamaïque, la Guyane ; vers le sud, les lignes sur la Guinée anglaise, Sainte-Hélène et le Cap. Le Cap serait relié au Caire, à l’Amérique, à l’Inde. Ce serait un filet aérien britannique tendu sur le monde.

Georges G. Toudouze

 

Source et illustration : Je sais tout du 15 février 1923.

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