Polis comme galets par le temps

Parmi mes poèmes accumulés au fil du temps, celui-ci occupe une place particulière, puisqu’il fut longtemps le seul à avoir été publié, par mon camarade Jacques Barbéri, dans une revue numérique aujourd’hui disparue. La découverte fortuite de cette belle toile anonyme, qui me semble l’illustrer à merveille, me donne l’occasion de le recaser ici. Il faudra vous y faire : si les muses pouétiques vous insupportent, il vous est toujours possible de zapper (émoticone kiki, hi, hi, hi).

 

une force éparpille nos vies
de nous se joue comme de billes
roulant doucement vers un gouffre
où choses, bêtes et gens glissent

pas un ne sait qui nous lance ni
pourquoi nous roulons vers l’abîme
car nul ne remonte à la source
d’où toute vie procède et coule

les unes dévalent en silence
d’autres dans un bruit de tonnerre
certaines brillent, d’autres pâlissent
mais toutes tombent à mesure

demain, très tard, nous finirons par
comprendre et accepter peut-être
qu’à vivre ni rime ni raison
n’est trouvable ni nécessaire

chimères que nous autres hommes
en vie par le caprice d’un prince
dédaigneux qui jamais ne donne
que pour reprendre sa mise enfin

de nous resteront quelques crânes
polis comme galets par le temps
blanchis par le soleil et foulés
au pied par des enfants de géants

 

© Leo Dhayer 2017

Illustration : Anonyme (longtemps et faussement attribué à Goya), El Coloso (1808-12), document Wikipedia.

3 commentaires sur “Polis comme galets par le temps

    1. Hello, Jef ! J’en pense que si un fou voulait bien s’y coller, je serais le plus heureux des hommes !!! 🙂

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