Loyola de la jungle, par un auteur mystère, au Carnoplaste

Le valeureux éditeur de fascicules comme autrefois (mais écrits et édités aujourd’hui) se lance un nouveau défi avec la création d’une collection de petits formats peu onéreux et vite lus, à l’image de ceux que publiait par exemple Ferenczi au siècle dernier, dans lesquels se concentrait l’essence du pulp à la française. « Aventures » (c’est son nom, qui a le mérite d’annoncer la couleur) comporte déjà quatre titres, et parmi ceux-ci, c’est le deuxième dont j’aimerais vous recommander la lecture.

Le principe est simple : « Robert Darvel  rêve un titre, puis Fred Grivaud conçoit une illustration. Ensuite, un auteur s’amuse de cette double contrainte et le diable seul sait quel récit vous allez découvrir… »

Précisons d’abord que l’auteur n’est nullement crédité en couverture ni en page de titre. Il faut attendre la toute fin, après avoir lu le récit, pour que son identité soit révélée. Ce qui pourrait paraître un artifice éditorial est en fait un sacré pari : proposer au lecteur de choisir une histoire pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle lui évoque, et ne la juger ensuite qu’en fonction de ses mérites.

Ce pari-là m’a plu autant que le principe de la collection, qui loin de n’être qu’une expérience nostalgique de retour aux racines mêmes des littératures de genre (ce qui serait déjà louable en soi) permet d’offrir un nouvel espace d’expression à cette grande oubliée du monde éditorial contemporain : la nouvelle.

Qui plus est, choisir de privilégier le titre et l’illustration de couverture au point d’en faire les prémisses du texte témoigne d’une compréhension subtile du charme qu’exercent sur nous ces petits objets de papier lorsqu’ils nous tombent sous la main sur un étal de braderie ou chez un bouquiniste. L’alliance d’un titre accrocheur ou/et énigmatique et d’une image qui ne l’est pas moins, c’est ni plus ni moins l’ADN de ces opuscules par essence sans prétention et ne visant qu’à devenir des armes de distraction massive.

Dans la fabrication également le parti-pris initial est scrupuleusement respecté : foin de quadrichromie, l’usage intelligent de la bichromie en couverture (comme c’était souvent le cas à l’époque) met parfaitement en valeur les belles illustrations de Fred Grivaud ; comme il se doit, c’est un papier de consommation courante et une maquette basique qui ont été choisis ; la fidélité au modèle d’origine est poussée jusqu’à offrir au lecteur un « point aventures » à découper en fin de volume !

Venons-en à Ignace, ce héros au petit nom charmant. C’est au passé caché du grand nigaud blondinet qui se balance de liane en liane en compagnie des singes que s’intéresse l’auteur mystère, d’une plume aussi alerte que volontiers malicieuse et parfois caustique. On sent l’homme de culture qui « en a sous le pied », et de Valenciennes à l’Afrique en passant par la Bavière, il nous brosse avec brio le curriculum de Loyola, dont le lecteur apprendra non sans surprise les petits secrets. Le tout est aussi bien vu que rythmé et tient parfaitement, sans avoir à ralentir ni hâter l’allure, dans les vingt-huit pages imparties. Sur des chemins déjà bien parcourus, une réussite, donc, qui se déguste telle une friandise de choix par une nuit d’insomnie (ou avant une sieste réparatrice si vous préférez).

Le naufragé de l’île de chair, Loyola de la jungle, Les chœurs de la mer rouge, et Perdus dans la zone commerciale, 3 € le fascicule de 32 pages au format 11,5 x 18 cm sur le site du Carnoplaste.

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