J’avais une gentille cage
Que je voudrais avoir encor,
Où babillaient d’un doux ramage
Des colibris à plume d’or.Ils disaient de si belles choses,
Que, rêveur, le front dans la main,
Les bras croisés, paupières closes,
Je m’enivrais du lendemain.Ils chantaient l’amour de la femme,
L’amitié, l’espoir, le désir !
Ils disaient que l’homme est une âme,
Que la douleur cache un plaisir.Et pourtant, chaque matinée,
Je trouvais un colibri mort,
Et je vis qu’au bout de l’année
Je n’aurais plus un oiseau d’or.Je me blottis à la fenêtre,
dans l’ombre me dissimulant,
Et, pour m’élancer sur le traître,
J’attendais sous le rideau blanc.Et je vis, se glissant dans l’ombre,
Quelqu’un qui, saisissant l’oiseau,
L’étouffait avec un cri sombre,
Ployant son cou comme un roseau.Une voix parla dans les branches :
— Pleure tes oiseaux palpitants ;
Ce sont tes Illusions blanches,
Que vient ainsi briser le temps.
Source : Les Olympiades, Album de l’Union des Poètes (IVe Olympiade), chez André Rigaud libraire-éditeur, 1862.
Illustration : Browne, Henriette (1829 – 1901), A Girl Writing; The Pet Goldfinch, ca (1870-1874), document Wikipedia/Google Art Project.
Merci d’avoir si vite répondu à ma demande un tant soit peu fiévreuse. 🙂
La poésie était triste et sûrement amère quand il l’a écrite si jeune, au moment où l’on s’aperçoit qu’il faudra taire ses espoirs pour les garder des destructeurs. Et peut-être bien que de l’avoir énoncé, il est entré en résistance, non ?
Joli tableau.
Va savoir… Peut-être.
J’aime à l’imaginer ainsi, et sa vie comme sa carrière incite à le penser.
Et n’empêche que
« Et je vis, se glissant dans l’ombre,
Quelqu’un qui, saisissant l’oiseau,
L’étouffait avec un cri sombre,
Ployant son cou comme un roseau. »
La porte et les récits fantastiques qu’il a rêvés après avoir lu et aimé Poe et Hoffmann ne sont pas loin, et l’angoisse mortelle et impalpable qu’il écrira non plus.
Tout à fait exact. Je voulais commenter en ce sens… et puis j’ai eu la flemme. Voilà qui est réparé. 🙂