En mémoire de Yal

À l’ouverture de ce blog, une grosse pensée pour Yal Ayerdhal.

 

Alors que je réfléchissais à revenir m’agiter un peu au pays merveilleux de l’Imaginaire sous un nom d’emprunt, je l’avais contacté pour lui demander comment il avait fait lui-même pour choisir son pseudo. Nous ne nous connaissions pourtant qu’à peine, voisins de réseau et de syndicat, contacts occasionnels à travers le prisme déformant de Facebook, mais il m’avait répondu très gentiment et quasiment dans la minute. Il était comme ça, Yal, disponible et toujours attentif aux autres.

Après m’avoir demandé pour quelle raison je désirais changer de nom, il m’avait expliqué en détails comment il avait quant à lui procédé. Je l’avais remercié, mais à la pratique, il s’était vite avéré que cette méthode ne donnait pas grand-chose dans mon cas. Le pseudo projeté restait donc dans les limbes. Je crois me rappeler que c’est lui qui m’a recontacté quelque temps plus tard pour me demander où j’en étais. « Il faut partir de ce que tu es vraiment, de ta véritable identité » avait-il suggéré en constatant le fiasco : ʻLeoʼ avait-il proposé, se basant sur la racine de mon prénom, « mais sans accent, avait-il ajouté, pour se rendre aimable aux claviers étrangers non accentués. » (La précision, le sens du détail, la rigueur documentaire, Yal l’avait, ça oui, il suffit de le lire pour le constater.) « Et comme patronyme, avait-il enchaîné, si tu n’as pas d’idée, pars simplement de l’endroit d’où tu viens : ʻDelilleʼ avait-il cité en exemple. » ʻDelilleʼ ne me convenant pas, j’avais abouti, par un jeu de mots pourri, à ʻDhayerʼ, nom suffisamment peu courant pour ne pas envahir les résultats de recherche sur la toile mais assez enraciné dans les Flandres pour faire vrai et évoquer le Nord. Il ne m’était plus resté qu’à le remercier, (tout en étant certain de ne jamais pouvoir le faire suffisamment), et à baptiser mon pseudo en lui créant une page FB.

Ainsi est né Leo Dhayer, sous le parrainage attentif et affectueux de Yal Ayerdhal. Ça crée des obligations. D’aucuns ont d’ailleurs cru sur ce réseau social, en voyant débarquer cet inconnu de Leo Dhayer, qu’il s’agissait d’une autre de ses incarnations. Il a fallu les détromper. Je comprends leur déception. Nous nous sommes vus ensuite dans la vraie vie, trop brièvement, sans que nous puissions vraiment profiter de l’occasion pour faire plus amplement connaissance. Il est venu manger un midi à la maison pour une histoire de contrôle technique à effectuer en France, ce que notre implantation près de la frontière facilitait. Le menu, trop vite préparé et avalé, ne fut pas des plus gastronomiques, mais le repas, pris dans le jardin grâce au temps clément, fut mémorable.

Il m’avait pourtant suffi de ce premier et fugitif contact pour prendre la mesure du bonhomme – générosité, intelligence vive, présence au monde, présence aux autres, curiosité pour tout et tous, pétri d’humanité et d’énergie ; un grand auteur ; un grand tout simplement. Ce rapide passage de Yal Ayerdhal dans mon existence – en vif et marquant, façon étoile filante – m’avait également convaincu qu’aussi fugitive qu’ait pu être cette rencontre, un lien d’amitié s’était à cette occasion noué entre nous, qui ne demandait qu’à se fortifier.

La vie en a décidé autrement. On sait qu’elle est bien garce, la vie ; souvent, comme disent les enfants de par chez nous, on a envie de la traiter, mais cela ne suffit pas pour s’absoudre de ses propres responsabilités. « La prochaine fois », dit-on toujours quand il est trop tard. « La prochaine fois je ne referai pas la même erreur ». Et puis, on recommence, bien sûr. Mais plus que garce, la vie est scandaleusement courte. Ce n’est pas demain, ce n’est pas plus tard, c’est maintenant, tout de suite et sans jamais remettre au lendemain qu’il faut aimer, rencontrer, discuter, se mêler à l’humaine pâte et en jouir. Il n’y a pas d’autre conclusion à tirer. En mémoire de Yal.

 

Illustration : © Sara Doke, avec son autorisation, mes remerciements et plein de bises.

14 commentaires sur “En mémoire de Yal

  1. A non, c’est pas un truc avec l’espèce de système de dialogue plus ou moins instantané… il faut commenter… Je dirai juste qu’Ayerdhal était un type formidable.

    1. Hello Joe… Eh non, on n’est plus sur FB ! Content quand même de te voir ici. Et je ne peux que plussoyer à ton commentaire.

  2. Salut Leo,
    je trouve le titre du portail un peu réducteur (ouaf!) mais suis content de te retrouver. Bonne idée de dédier ton premier billet à l’ami Yal, qui fut le mien aussi, trop fugitivement aussi. Bonne continuation !

    1. Hello Hervé ! Content de te retrouver ici dès l’ouverture, et de reprendre sur ce blog notre petit bout de route. Pour Redux, c’est davantage du côté de l’étymologie latine (la résurgence) qu’il faut chercher. Merci et à bientôt…

  3. Salut Leo.

    content de te relire au travers de ce blog.
    tu ne pouvais choisir meilleur « parrain ».
    à sa mémoire…

    1. Hello Yves
      Moi aussi ça me botte de retrouver l’habituelle compagnie… 🙂 Bien d’accord avec toi quant à Yal, de toute façon ce choix s’imposait.

    1. Hello, Mandy ! Forcément, j’ai pensé à toi et à ton portrait au chat en préparant cet article. Ce sera pour un autre article sur Yal, si tu veux bien. Merci pour le vent ! 😉

  4. Salut, Leo !
    Il est heureux, le Warfa, de retrouver un espace où te parler !

    A propos de Yal, je m’aperçois que je ne fus pas le seul à trouver en « dhayer » une quasi anagramme de « ayerdh(al) ». Sacrés comiques !

    Je suis aussi particulièrement heureux de voir trois ami(e)s cinglé(e)s ouvrir un portail tel que celui-ci (il faut féliciter Fred), qui ouvre sur une telle quantité d’univers parallèles (ou orthogonaux…) ! Je m’en vais devoir me retenir pour ne pas tenter de m’y immiscer…

    Je le dirai également aux deux autres, mais déjà, Leo et Lionel : merci !

    Dominique.

    1. Hello, Dominique !
      Il est tout aussi heureux, le Dhayer, de te retrouver ici, loin de la cour de récré sous liberté conditionnelle de Zucky. Quant à l’anagramme, je crois que ni Yal ni moi n’y avions pensé, mais tu me diras que l’inconscient…
      Cinglés… ou réalistes ! L’avenir est au regroupement, à la coopération plus qu’à la dispersion.
      Merci à toi d’être passé et à bientôt, maintenant que tu connais le chemin. La bise à toi.
      L.D.

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